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La série « Mémoires d'ici » propose des transcriptions de panneaux historiques et culturels situés à différents endroits d'Annecy. À l'approche de l'anniversaire de la libération d'Annecy et de la Haute-Savoie, je suis retourné faire un tour dans le quartier Galbert, pour reprendre en photos les différentes plaques et monuments qui s'y trouvent, les Chasseurs - anciens >> occupants des lieux - ayant joué un rôle non négligeable au sein de la Résistance.
Première transcription, avec l'ensemble de cinq panneaux sur la placette à l'angle de l'avenue de Genève et de la rue André-Fumex.


Un « Quartier de Chasseurs »

Les origines

De 1888 à 1998, ces lieux sont occupés par un « quartier » de Chasseurs alpins. De tradition, chez les Chasseurs, on parle en effet de « quartier » et non de « caserne ». Sa construction, consécutive à la création des troupes alpines en 1888, s'effectue hors de la ville, comme - au même moment - le >> lycée Berthollet voisin. Le 11e Bataillon de Chasseurs Alpins (BCA) s'y installe jusqu'à la Première Guerre mondiale.


Le Quartier du 27

Le 27e BCA prend sa place en 1922. Il donne à ce « quartier » le nom de son chef de corps, le chef de bataillon de Galbert, tombé à sa tête en 1916 à la bataille de la Somme. avec 1'822 morts en quatre années de guerre, il avait été le premier bataillon à recevoir la fourragère rouge aux couleurs de la Légion d'Honneur, qu'il porte aujourd'hui encore. En 1939, le 67e BCA - bataillon de réserve du 27 - est mobilisé dans ces murs ; choisi pour le corps expéditionnaire de Norvège, il débarque à Namsos avant d'être rapatrié d'urgence et jeté dans la bataille de France.

illustration 1) Caserne des Chasseurs Alpins [circa 1900]
carte postale oblitérée en 1909, A. Gardet éditeur - Annecy, via Archives Départementales de la Haute-Savoie

Avec la campagne de 1940, puis l'armée d'armistice et la Résistance, « le 27 », bataillon des Glières, devient véritablement le bataillon de la Haute-Savoie. Durant la guerre d'Algérie, implanté en Kabylie, il conserva ici sa base arrière et son centre d'instruction.


Une vocation nouvelle pour le Quartier de Galbert

En 1998, le 27e BCA quitte Annecy pour se regrouper au quartier Tom-Morel à Cran-Gevrier où il stationne aujourd'hui.


1940-1942 : le 27e BCA dans l'armée d'armistice

1940 : la défaite dans l'honneur

En juin 1940, le 27e BCA n'échappe pas au désastre, mais sauve l'honneur. Sur le canal de l'Ailette, en Picardie, le 10 juin, avec 500 tués, blessés ou prisonniers, il est quasiment anéanti. Au même moment, en Haute-Tarentaise, sa section d'éclaireurs, aux ordres du lieutenant Morel, s'oppose victorieusement à l'attaque des troupes fascistes italiennes.


Le « bataillon Vallette d'Osia »

Le 9 août 1940, se déroule ici même la prise d'armes de recréation du bataillon dans le cadre de l'armée d'armistice. À sa tête est nommé un chef hors du commun, officier et montagnard d'exception le commandant [Jean] Vallette d'Osia. En 1918, il avait été fait chevalier de la Légion d'Honneur à 20 ans. Son programme : préparer la revanche par tous les moyens. Il organise une mobilisation clandestine visant au triplement des effectifs, fait cacher des armes soustraites au contrôle de la commission d'armistice et soumet son bataillon à un entraînement forcené. Ses adjoints s'appellent Anjot et Reille, les lieutenants Bastian, Godinot, de Griffollet, Jourdan, Lalande, Monnet, Théodose Morel... les sous-officiers Aragnol, Buchet, Conte, Ducrettet, Mégevand, Louis Morel, Muffat, Poirson, Wolff... noms que l'on retrouvera à la tête de la Résistance et pour beaucoup à Glières.


La dissolution

Le 28 novembre 1942, après l'invasion de la zone libre et la dissolution de l'armée d'armistice, le bataillon est démobilisé. L'heure est venue de la Résistance.


1942-1944 : sous l'occupation

Une caserne pour la Wehrmacht

Après l'invasion de la zone libre en novembre 1942, l'armée italienne occupe [les] Savoie. La Wehrmacht la remplace en septembre 1943. Le quartier de Galbert devient une caserne italienne puis allemande et, à l'occasion, lieu de détention et d'exécutions.


Un détenu d'exception

Le commandant Vallette d'Osia, qui avait été - dans ces murs - chef de corps du 27e BCA de 1940 à 1942, devenu chef de l'Armée Secrète, y est incarcéré et durement interrogé après son arrestation le 13 septembre 1943. Il s'évade menottes aux mains du train qui le conduit vers une destination inconnue. Il rejoint Londres, puis Alger, avant de revenir en libérateur en août 1944.


Exécutions

Le 24 janvier 1944, le quartier est le théâtre de la fin tragique du Corps franc Simon. Depuis plusieurs mois, ce groupe a multiplié les actions d'éclat jusqu'à ce que sont chef, le lieutenant [François Servant dit] Simon, soit grièvement blessé. Enlevé de l'hôpital d'Annecy par l'occupant, il disparaît. Ses hommes, résolus à le libérer, sont surpris par les Allemands à Mercier, commune de Saint-Martin-Bellevue. Parmi les prisonniers, onze sont fusillés dans l'enceinte de ce quartier. Enterrés dans une fosse commune, leurs corps ne sont découverts qu'en 1946. Ils reposent aujourd'hui à la Nécropole nationale des Glières à Morette.
Le 14 juin 1944 [, veille du massacre du hameau des Puisots], Jacques Lespès, sous-préfet de Bonneville, [est arrêté et] subit le même sort [le lendemain].
Deux stèles, dans le jardin public, rappellent le souvenir de ces fusillés.


Vivre libre ou mourir

L'Armée Secrète

En novembre 1942, la zone libre est envahie. Le 27e BCA est dissous. Ses hommes, pour beaucoup, rejoignent l'Armée Secrète (AS), dont le commandant Vallette d'Osia a pris la tête. Ils encadrent dans les maquis les "réfractaires" au Service du Travail Obligatoire.


Glières

Fin janvier 1944, 150 hommes, aux ordres du lieutenant Morel, dit Tom, chef charismatique, montent au plateau des Glières pour y accueillir les parachutages d'armes massifs décidés par les Alliés. Le maquis des Glières est né. Il s'oppose avec succès aux forces de la collaboration. Fin mars [1944], les 460 hommes que compte alors le bataillon engagent le combat face à une division allemande. Le capitaine Anjot, qui a succédé à Tom, tombé à Entremont le 10 mars, donne l'ordre de dispersion. Lui-même et plus de 100 maquisards y laissent la vie, mais cette « première bataille de la Résistance » connaît un immense retentissement.


La liberté reconquise

Les maquis se reconstituent et, le 19 août, la Haute-Savoie est libérée par les seules forces de la Résistance, Armée Secrète (AS) - aux ordres du capitaine Godard - et Francs Tireurs et Partisans (FTP) côte à côte. La garnison d'Annecy est la dernière à capituler après que les 700 Allemands retranchés au quartier de Galbert aient été neutralisés par un audacieux coup de main conduit par Lucien Mégevand et Georges Buchet, deux anciens sergents du 27, à la tête de 200 hommes.
Le 1er décembre 1944, le bataillon Godard, constitué à parité par l'AS et les FTP, reprend l'appellation de 27e BCA.


Un siècle de conscrits

Les « Génération de feu »

L'histoire du quartier de Galbert se confond avec celle du service militaire. Dès l'instauration de celui-ci en 1905, le 27e BCA, qui occupe les lieux, fait appel aux conscrits haut-savoyards. Ils connaissent les terribles hécatombes de la Première Guerre mondiale : les monuments aux morts de nos villes et villages en témoignent. Le 27e BCA prend la relève en 1922. Ses chasseurs, tous appelés, vivent l'occupation de la Rhur en 1923-1924, la guerre du Rif au Maroc en 1925 et la rude école de la montagne des 15 années qui suivent, jusqu'aux jours sombres du désastre de juin 1940. Si les hommes du 27 de l'armée d'armistice et ceux de l'Armée Secrète sont tous des volontaires, dès la fin de la guerre, le bataillon retrouve les appelées.


L'après-guerre et la campagne d'Algérie

En 1945, ils occupent l'Autriche et regagnent Annecy en 1948. Durant cette période et jusqu'en 1956, la montagne est le théâtre de leur entrainement. De 1956 à 1962, des milliers d'entre eux connaissent, dans la montage Kabyle, les jours difficiles de la guerre d'Algérie.


Une ère nouvelle

En 1998, la fermeture du quartier de Galbert fait suite à l'abandon du service militaire obligatoire, lié à la fin de la guerre froide : durant quatre décennies, les appelés avaient été les garants de la stratégie de dissuasion. Aujourd'hui s'écrit une autre histoire, mais ce quartier garde la mémoire de ces milliers de citoyens-soldats que furent ici les conscrits.


Transcription d'après photos : Cédric Cuz


Contributions : --


Publication initiale : 12 août 2024


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contenu publié le sam. 15 juin.

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