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Le lac d'Annecy est né il y a environ 18'000 ans. Suite à la quatrième et dernière période de glaciation, les glaciers ont reculé, laissant derrière eux d'immenses étendues d'eau comme le lac d'Annecy. Celui-ci est alimenté par des rivières de montagne et par une source sous-lacustre. Il se déverse dans la rivière du Thiou, son exutoire principal.
La rivière a joué un rôle très important dans l'implantation et l'évolution de la ville. Elle offre aux habitants une source d'énergie naturelle. Le potentiel de sa force motrice encourage le développement de l'artisanat et permet l'installation de nombreux artifices sur les quelques 3,614 kilomètres qu'elle parcourt.
Le Thiou fluctue naturellement au fil des saisons. Jusqu'au 19e siècle, l'entretien limité de son lit et les crues dues à la fonte des neiges au printemps provoquent des inondations, qui reviennent en moyenne tous les 10 ans. Aussi, quand vient la période sèche de l'été, l'activité de la pêche est déplacée, la navigation n'est plus possible et les moulins ne fonctionnent pas. Les déchets déversés dans la rivière ne sont plus évacués en l'absence de courant, provoquant des odeurs nauséabondes et une réelle insalubrité.
Il faudra attendre le milieu du 19e siècle pour voir une évolution de l'urbanisation et une nouvelle maîtrise de ce cours d'eau : construction des quais, rectification du lit de la rivière, interdiction d'y jeter des ordures et installation d'un système de vannes hydrauliques pour réguler le débit. Depuis, le Thiou est moins capricieux et mieux entretenu.
Ce premier parcours au fil de l'eau traverse le centre historique d'Annecy, fortement urbanisé. Mais l'évolution constante de cette partie de la ville a fait disparaître de nombreux vestiges de son histoire artisanale et industrielle. Les images et plans que nous [ndr: le Service Patrimoine] avons sélectionnés vous aideront à remonter le temps et à plonger dans ce riche passé de notre territoire.
plan) Le Thiou industriel, parcours #1, en autonomie – environ 1,2 km, quasiment plat, majoritairement accessible PMR (sous réserve pour l'île Saint-Joseph) – transition jusqu'au >> parcours #2 d'environ 0,4 km par la promenade Louis-Lachenal.
La chocolaterie d'Annecy
À la fin du 19e siècle, Annecy possède sa propre chocolaterie située sur l'actuelle place de la Tournette. À son apogée, l'usine fondée et dirigée par la famille Ruphy emploie une centaine d'ouvriers qui transforment cinq sortes de fèves.
Des chocolats de renom
D'abord appelée « Chocolaterie des Marquisats », la société est rebaptisée « Chocolaterie d'Annecy » en décembre 1907 pour des raisons de notoriété à l'exportation. De nombreux représentants appelés « voyageurs de commerces » sillonnent la région à vélo pour faire déguster et vendre en direct la gamme des chocolats d'Annecy. L'entreprise connaît un vif succès jusqu'à la Seconde Guerre mondiale quand l'importation du cacao provenant des colonies s'arrête. Ce problème d'approvisionnement en matière première lui porte un coup fatal et l'usine ferme ses portes le 13 mai 1953.
« Nourrissant, stimulant et tonique »
C'est un des slogans publicitaires affichés sur les tablettes et les coffrets. La chocolaterie propose des fondants, des croquettes, des tablettes, des bouchées à différents parfums et du cacao en poudre. Ces délices sont vendus partout en France et à l'étranger. Leurs emballages figurent souvent une vue des bords du lac ou les blasons régionaux : la truite d'Annecy et la croix de Savoie. Des affiches, des cartes postales et des objets utilitaires comme des boîtes en fer, des pendules ou des baromètres sont créés dans le style Art Nouveau.
Les roseaux du lac d'Annecy
Aujourd'hui, Annecy n'a plus de chocolaterie industrielle, mais une production artisanale perdure, notamment à travers la confection des « roseaux du lac ». Cette spécialité prend la forme de bâtonnets de sucre à la liqueur enrobés de chocolat.

illustrations 1 et 1bis) L'embouchure du Thiou et la Chocolaterie d'Annecy, dans le grand quart inférieur gauche de la photo...
photo © Archives municipales d'Annecy, référence 8 Fi 2022

Mémoires d'ici : Chocolat d'Annecy, une histoire à croquer édito
En 1896, Max Ruphy crée la Chocolaterie des Marquisats. En 1907, son cousin Charles Ruphy lui rachète l'affaire et la baptise Chocolat d'Annecy. Sous son habile direction, l'entreprise prospère jusqu'à employer une centaine de (...)

contenu publié le lun. 29 juillet 2024.
mot(s) clé(s) : annecy, ville d'- haute-savoie hier et aujourd'hui histoire
L'aménagement du Thiou
Élément central qui traverse la ville, le Thiou est modifié pour mieux répondre aux besoins des habitants et des industries.
La construction des vannes
À partir de 1874, Sadi Carnot, alors ingénieur des Ponts et Chaussées, installe un ensemble de vannes sur les canaux dont le plus important se situe devant le Palais de l'Île. Ce dispositif contrôle à la fois le niveau du lac et le débit du Thiou. Il limite le risque d'inondations et assure les débits moyens dans chaque canal, au bénéfice des industriels qui exploitent l'énergie hydraulique.
La modernisation
La régularisation du Thiou suppose d'abord l'aménagement d'un quai rectiligne et l'alignement des façades qui bordent la rivière à partir de 1854. En 1913, le lit du Thiou est en partie bétonné pour améliorer encore plus l'écoulement du cours d'eau. En 1965, le système de vannage est motorisé. Les vannes devant le Palais de l'Île sont supprimées et remplacées par l'installation plus moderne, visible aujourd'hui en amont du pont Perrière.

illustration 2) Annecy - Ancien Palais de l'Ile, et les vannes de régulation à l'aval du pont Perrière
carte postale ancienne Pittier, photo-éditeur, Annecy
Au total, 62 vannes sont réparties sur une distance de six kilomètres à travers les différents canaux jusqu'à sa confluence avec le Fier.
Les artifices
Depuis le Moyen Âge, des moulins et autres artifices sont installés de chaque côté de la rivière.

Des usages variés
Les artifices servent à diverses activités : moudre le grain pour la fabrication du pain, battre le fer, transformer le chanvre et confectionner des vêtements et des draps. Les moulins, foulons, battoirs et martinets de forge appartiennent d'abord au comte de Genève et plus tard à des communautés religieuses comme les sœurs [de Sainte-Catherine-du-Mont-Semnoz puis les sœurs] de la Visitation. Leurs propriétaires nobles ou religieux accordent un droit d'exploitation aux artisans, moyennant un paiement en espèces ou en nature. Les installations se multiplient, encombrant la rivière et créant des conflits entre les artisans qui se disputent l'accès au courant.
Les boucheries
Des abattoirs-boucheries sont installés sur le Thiou depuis au moins le 14e siècle.

Du Moyen Âge...
Aujourd'hui, il ne subsiste aucune trace de la boucherie construite de part et d'autre de l'actuel pont du passage de l'Évêché (en contrebas). Deux ouvertures en forme d'arcades laissent entrer et sortir l'eau qui coule sous le plancher pour évacuer les déchets déversés directement dans la rivière. Des nasses de pêche sont installées en aval des boucheries, après le pont, car les poissons engraissés par les détritus sont particulièrement prisés.
... au 19e siècle
Au début du siècle, l'ancienne boucherie du pont se trouve en mauvais état. En 1824, la Ville décide de construire des nouveaux abattoirs-boucheries à proximité, dans le bâtiment qui abrite aujourd'hui la Salle Pierre-Lamy. Ce choix d'emplacement ne s'avère pas judicieux ; les habitants du quartier se plaignent des mauvaises odeurs et du bruit liés à l'activité de l'abattage. Le lieu est trop exigu et ne respecte pas les nouvelles règles d'hygiène. Un nouveau site est choisi dans l'actuel >> quartier de la Mandallaz.

illustration 3) Plan des anciennes boucheries du pont
© Archives municipales d'Annecy, référence 23 Fi O 0440
La Manufacture d'Annecy
L'ensemble des immeubles situé de l'autre côté du Thiou et construit dans les années 1970, marque l'emplacement d'une ancienne filature de coton appartenant à la Manufacture d'Annecy. Aujourd'hui les bâtiments de la filature ont disparu, mais la rivière garde des traces de cette installation majeure.

illustration 4) Le quartier de la Manufacture
capture d'écran © Google Street View - juillet 2024
Du couvent à la filature
A l'origine, ce site abrite un couvent de Clarisses. Devenu bien national pendant la Révolution française [ndr: occupation par les révolutionnaires français, la Haute-Savoie étant Sarde à cette époque], il est acheté par le négociant Jean-Pierre Duport en 1804. Il y installe des Mule-Jenny, machines à filer le coton. Grâce à la force hydraulique du Thiou, ces métiers mécaniques actionnent simultanément plusieurs milliers de broches.
La Manufacture connaît un succès immédiat. En 1805, elle emploie déjà 450 ouvriers, majoritairement des femmes et des enfants. Les enfants sont surtout embauchés en tant que « rattacheurs ». Grâce à leur petite taille, ils passent sous les métiers pour rattacher les fils de coton cassés. C'est un travail très dangereux ; les machines continuent à tourner lors de ces opérations.
Prospérité et expansion
En 1816, sous la monarchie Sarde, la filature devient une manufacture royale. Ce statut lui accorde certains privilèges et lui donne accès à une large clientèle située des deux côtés des Alpes.
Face au succès, Duport agrandit et densifie le site de la filature. Pour mieux capter l'énergie de l'eau, un canal de dérivation est creusé sur la rive gauche, créant ainsi la petite île après le pont de la République. Il diversifie son activité et s'implante sur d'autres terrains à Annecy et à Cran : ateliers de tissage, de teinture, de blanchiment et d'impression d'étoffes.
Difficultés et décroissance
La Manufacture d'Annecy demeure tout au long du 19e siècle et jusqu'en 1921 le premier employeur privé du bassin annécien. Mais elle rencontre des difficultés financières après le rattachement de la Savoie à la France en 1860. Elle perd son marché du Piémont et doit faire face à la concurrence des entreprises françaises.
Malgré quelques rebondissements, notamment pendant la Première Guerre mondiale, l'entreprise connaît un déclin long et progressif jusqu'à sa fermeture définitive en 1955.
Mémoires d'ici : La Manufacture d'Annecy édito
La Manufacture, une histoire industrielle Cet ensemble immobilier contemporain s'inscrit dans une proximité immédiate avec le centre historique. Construit sur l'emplacement d'une Manufacture de coton qui ferme ses portes en (...)

contenu publié le jeu. 23 janvier.
mot(s) clé(s) : annecy, ville d'- haute-savoie hier et aujourd'hui histoire
L'île Saint-Joseph
Cette petite île au milieu du Thiou après le pont Saint-Joseph abrite de nombreuses infrastructures hydrauliques au fil des années. Au Moyen Âge, c'est un lieu d'activité artisanale avec des moulins et des battoirs à chanvre. À partir du 19e siècle, l'île est dédiée à l'industrie textile.
La bonneterie Haase
En 1896, Gustave Émile Haase et Paul Rau installent une manufacture de bonneterie sur l'île Saint-Joseph.
Cette fabrique utilise la force hydraulique du Thiou pour actionner des métiers à tricoter. L'activité débute avec une centaine d'ouvriers, puis la manufacture en pleine apogée augmente rapidement ses effectifs et emploie jusqu'à 250 personnes. Une deuxième usine est ouverte à Thônes, créant ainsi les « Manufactures réunies de bonneterie d'Annecy et de Thônes, Louis Haase et cie ».
Sous-vêtements et compagnie
Des sous-vêtements en fil de laine, coton et soie sont confectionnés sur des machines à tricotage mécanique : cache-corsets, camisoles, culottes, jupons, chaussettes et caleçons. La société se vante d'être le « seul fabricant de la chemise américaine » en 1935. Ce précurseur du tee-shirt est rendu célèbre par les militaires américains qui le portent en tricot de corps.
En 1957, la Ville d'Annecy décide d'acquérir l'ensemble du terrain et des bâtiments sur l'île. Les infrastructures sont démolies en 1973 et l'espace est reconverti en parc. L'usine de Thônes, quant à elle, perdure jusqu'à la fin des années 1990.
Mémoires d'ici : de mailles en merveilles [, la manufacture de bonneterie Haase d'Annecy] édito
Gustave-Émile Haase, originaire de Saxe, crée en 1896 avec Paul Rau la manufacture de bonneterie d'Annecy, dont il prend la direction en 1901. Située sur l'île Saint-Joseph à proximité de la place Sainte-Claire, la (...)

contenu publié le jeu. 16 janvier.
mot(s) clé(s) : annecy, ville d'- haute-savoie hier et aujourd'hui thônes
La rectification du Thiou
Les modifications du 19e siècle
Les travaux d'aménagement du Thiou – construction des quais et des vannes, bétonnage du fond – entraînent la perte de l'aspect naturel de la rivière sur presque tout son parcours annécien. Mais progressivement, suite à cet urbanisme forcé, les berges, le lit et le tracé de la rivière s'en trouvent améliorés. Le prolongement de la rue Royale nécessite la suppression du méandre de l'île Saint-Joseph, tandis que la construction de ponts ferroviaires impose la rectification et la stabilisation des berges.
L'Isernon
La rivière de l'Isernon, seul affluent naturel du Thiou, est visible sur la rive gauche, dans le coude 300 mètres en aval (voir > plan). Ce cours d'eau augmente de façon importante le débit du Thiou qui, après cet ultime méandre, entame sa descente vers Cran et retrouve alors une apparence plus sauvage.

illustration 5) Plan d'Annecy en 1732 (extrait), « Naissance et développement d'Annecy », Raoul Blanchard, Société des Amis du Vieil Annecy. En bleu, le lac et les canaux, dans le cercle le méandre du Thiou en aval du pont Saint-Joseph
plan signé M. Roch © DR, colorisation et légendage en surimpression Cédric Cuz
Mémoires d'ici : Histoires d'eaux | Maîtriser l'eau édito
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contenu publié le dim. 21 mai 2023.
mot(s) clé(s) : annecy, ville d'- haute-savoie hier et aujourd'hui histoire
Recherches & rédaction : Service Patrimoine - Ville d'Art et d'Histoire
Contributions : Cédric Cuz (transcription, adaptation pour le web)
Publication initiale : 30 janvier 2025
Mises à jour : 06 février 2025 (lien avec le second parcours, corrections mineures, ajout illustrations 1bis et 3 et décalage de la numérotation des illustrations)
permalien : //www.killeak.net/?section=17&view=2720
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