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Thématiques abordées : #femmes, #histoire, #mémoire, #résistance, #secondeguerremondiale
Ce focus dédié au rôle tenu par quelques-unes des femmes engagées dans la Résistance sur [le] territoire [d'Annecy] ne saurait être exhaustif. Il s'agit d'une esquisse de portraits, brossée à l'appui du témoignage de ces « invisibles » elles-mêmes, à la fin de leur vie, et/ou de leurs familles et proches, ainsi que de rares ressources bibliographiques et iconographiques. Nous tenons à souligner la difficulté et la délicatesse de l'approche, celle-ci étant essentiellement basée sur des récits pouvant être empreints d'une part de subjectivité.
Malgré l'évidente faiblesse des sources, cet opuscule tient à mettre en lumière et rendre hommage à quelques-unes de ces « combattantes de l'ombre », comme les a désignées Margaret Collins Weitz dans son ouvrage au titre éponyme.
Contexte
La femme sous le régime de Vichy
Dès le début du régime de Vichy (1940-1944), le maréchal Pétain instaure le concept de « Révolution nationale ». Ce nouvel ordre moral repose sur la figure du père, chef de famille et unique travailleur. Les allocations familiales sont revalorisées et les épouses ont l'interdiction d'exercer une activité professionnelle. La femme reste au foyer et voit ses droits réduits en même temps que s'affirme la nouvelle devise du gouvernement : « Travail, famille, patrie ». La fête des Mères est institutionnalisée par Vichy le 25 mai 1941. Le divorce est quasiment impossible à demander par les femmes et l'avortement est criminalisé ; les contrevenantes sont passibles de la peine de mort.
La résistance au féminin
La Résistance en France pendant l'Occupation(1) est par définition une attitude consciente, volontaire, patriotique et morale qui conduit à refuser la défaite en agissant contre l'occupant. C'est une lutte clandestine concrète contre l'idéologie nazie et un combat pour le maintien des libertés et de la démocratie. Cet engagement est évalué à 2 % de la totalité de la population française.
La part des femmes dans la Résistance serait de l'ordre de 20 à 30 % (dont environ 12 % parmi les combattantes volontaires, titre délivré après la guerre). Elles s'engagent par conviction politique et/ou religieuse, pour « faire leur devoir » ou encore pour participer activement au combat contre les autorités de Vichy puis contre l'occupant. Bien que difficiles à qualifier et à quantifier, leurs actions ont grandement participé à ces luttes et à la libération de notre territoire avec leurs propres armes. Quelle que soit la raison poussant ces femmes à entrer en Résistance, au fil de leurs actes, elles tissent des liens entre elles et scellent leurs destins, parfois jusqu'à la mort. Ayant très rarement conscience de leur importance, à l'image d'une société qui les invisibilise, elles jouent un rôle essentiel sans appartenir à aucun réseau ou mouvement constitué. La Résistance féminine est d'une part celle tenue au quotidien, composée de petits faits, et d'autre part celle d'un engagement dans le combat clandestin plus officiel au sein de mouvements et de réseaux, aux côtés des hommes. Quelques-unes luttent l'arme au poing, quand d'autres, plus rarement, dirigent des hommes en tant que chefs de guerre.
L'engagement des femmes en Résistance représente bien plus qu'un combat pour la liberté de la patrie. Il s'agit d'une lutte pour faire évoluer leurs droits dans une société les cantonnant à « se marier et être mères ». Parfois très jeunes, elles transgressent les règles pour suivre leurs convictions.
Ayant tellement pédalé pendant la guerre, je me sentais prête à faire le Tour de France !
Colette Périès
Les prouesses des agents de liaison
Les agents de liaison, maillons incontournables de la Résistance, assurent la transmission des courriers et renseignements, de l'argent et du ravitaillement, le convoi et l'accompagnement en sûreté des résistants recherchés par les autorités, des réfugiés juifs ou des réfractaires au Service du travail obligatoire (STO)[I].
À la fin de l'année 1942, Jean Vallette d'Osia, officier du 27e Bataillon de Chasseurs alpins (27e BCA) 27e bca, met en place la section d'agents de liaison en Haute-Savoie. Elle est essentiellement composée de jeunes femmes ; elles incarnent l'innocence, paraissent moins suspectes et éveillent peu de soupçons. Antoinette Reille, à la tête de la section, est originaire du Centre de la France. Elle a l'expérience du groupe en tant que cheffe des guides-aînées (scouts féminins avant la mixité).
Un appartement situé 6 rue du Lac à Annecy tient lieu de permanence à l'équipe des agents de liaison, assurant la surveillance des boîtes aux lettres et le portage de plis. La ligne téléphonique étant placée sur écoute, le message « venir boire une tasse de thé » indique qu'une mission doit être assurée.
Ces recrues ingénieuses savent s'adapter à toutes les situations pour déjouer la vigilance des autorités. Souvent jeunes, elles font preuve de courage pour ne pas craquer dans des situations où elles risquent leur vie. Elles se déplacent en transports collectifs ou utilisent leur bicyclette, d'où leur surnom : « les filles à vélo ». Elles pouvaient parcourir une centaine de kilomètres par jour, et souvent sur des routes de montagne.
Les « filles à vélo » dans l'Armée Secrète
Élisabeth Lalanne
Née le 13 mai 1919, Élisabeth est la fille de Marie Lacour et de Léon Lalanne-Berdouticq (1873-1948), directeur des Forges de Crans (de 1907 à 1943). La famille habite dans une grande maison chemin de Proupeine. Benjamine de sept enfants, Élisabeth a tout juste 21 ans quand la Seconde Guerre mondiale éclate. Cette jeune fille de bonne famille, élevée dans le catholicisme républicain, a un sens aigu du patriotisme. Elle se souvient de la voix du maréchal Pétain appelant à cesser le combat en juin 1940 et à laisser les nazis occuper le territoire français. Une position qu'elle trouve inadmissible. Quelques jours plus tard, elle entend parler d'un certain de Gaulle...
À la suite de la défaite de l'armée française, en six semaines, 1,6 million de Français sont faits prisonniers de guerre. Le fiancé d'Élisabeth, Henri Pascal, lieutenant de la 1ère compagnie du 27e BCA 27e bca est de ceux-là. Ils se marieront par procuration le 30 avril 1945 pendant la captivité d'Henri.
Déterminée à agir, Élisabeth rejoint le groupe des agents de liaison en novembre 1942. Bien qu'ouvert d'esprit, son père protège ses activités professionnelles. Comme beaucoup de Français jusqu'en 1942, il suit la voie officielle du maréchal Pétain et de son gouvernement vichyste. Élisabeth témoigne : « Au départ, il était plutôt pétainiste, et pensait que Pétain allait sauver la France. Je ne lui ai pas dit tout de suite que j'étais dans la Résistance. Je lui disais que j'allais à des réunions de Guides à Grenoble, à Lyon... Le jour où l'on m'a demandé d'aller à Genève, je l'ai dit à mon père, car c'était dangereux, il fallait passer la frontière. Il m'a dit qu'il s'en doutait. Je ne le lui avais pas dit plus tôt car j'avais toujours l'impression qu'il avait toujours confiance en Pétain. En réalité, il l'avait de moins en moins et a donc bien réagi ».
Le positionnement paternel évolue. Léon Lalanne-Berdouticq soutient désormais l'engagement d'Élisabeth : « Je suis chrétien, si quelqu'un est en danger, ma maison lui est ouverte, même si c'est très dangereux ».
Ensemble, ils font de Proupeine une adresse emblématique de la Résistance en devenant l'un des points de chute de l'Armée Secrète[A]. Accessible depuis le faubourg des Balmettes, l'établissement scolaire Saint-Michel ou encore la basilique de la Visitation, cette propriété était idéalement située pour y réunir des résistants et faciliter les évacuations en urgence. Les figures majeures du futur maquis des Glières, comme Tom Morel et Maurice Anjot, fréquenteront ce refuge.
Léon Lalanne-Berdouticq, désigné délégué départemental du Secours national, organisme instauré par Vichy pour fournir une aide vestimentaire et alimentaire aux personnes en difficulté, travaille également avec Adèle Barrucand à la création du Restaurant d'entraide des Artisans du devoir patriotique (ADP).
Le lendemain de la Libération d'Annecy, le 20 août 1944, Élisabeth défile dans les rues avec ses amies agents de liaison sur leurs inséparables bicyclettes.
À partir de novembre 1944, une division d'infanterie alpine est créée pour rassembler tous les groupes de résistants des Alpes. À la demande de Jean Vallette d'Osia, Élisabeth, Antoinette Reille et Colette Périès encadrent les volontaires féminines de cette division. Elles sont environ 300 affectées aux transmissions, au service du Chiffre (décryptage), au secrétariat et aux ambulances.
Le 26 novembre 1944, Élisabeth écrit à sa sœur Annie : « Maman t'a raconté que nous faisions PC [poste de commandement] à la maison ? Combien sont morts parmi ceux qui venaient comploter : Tho, Anjot, Lalande(2). Quels coups durs il y a eu. Papa et maman étaient vraiment épatants car ils risquaient gros eux aussi en prêtant ainsi leur maison. Une descente de la Gestapo sur dénonciation et nous étions jolis ! ».
Élisabeth Lalanne-Pascal est décorée de la croix de la Légion d'honneur le 13 septembre 2008 par son amie d'enfance Marie-Germaine Morel, en même temps que Colette Périès-Martinez. Elle s'éteint à l'âge de 90 ans, le 25 janvier 2010 à Seynod.
Colette Périès et sa sœur Louise
Colette Périès naît au Puy-en-Velay (Haute-Loire) en 1921. C'est la fille d'un haut-fonctionnaire, ancien préfet sous la IIIe République. En 1934, la famille s'installe à Annecy-le-Vieux au hameau de Provins.
Après des études secondaires au lycée d'Annecy, Colette suit une formation médico-sociale de la Croix-Rouge avec Louise, sa sœur, et Élisabeth Lalanne, rencontrée dans le groupe de Jeunesse indépendante chrétienne (JIC)[G] dont elles font partie. Elle raconte qu'elle est entrée en Résistance car elle ne se sentait plus libre dans la rue.
Grâce à des amis scouts, dont la responsable d'Annecy voulait créer une section féminine d'agents de liaison, les sœurs Périès franchissent une étape supplémentaire en s'engageant dans l'Armée Secrète[A], sous les ordres de Jean Vallette d'Osia. Elles feront partie des groupes de combats des mouvements de Résistance. Très vite, Colette se rend compte qu'être une femme est plutôt un atout, et même une supériorité dans la Résistance. Elle raconte : « Nous passions mieux que les hommes. C'était à nous de le faire ! ».
Leur père, Paul Périès, un humaniste, comprend très bien la démarche de ses filles. Cet ancien préfet, membre de la Défense passive, possède un bureau à la préfecture. Il permet à ses filles de bénéficier d'un accès privilégié à ce lieu et de nouer des contacts avec des employés résistants.
Compte tenu de son emplacement au hameau de Provins, la maison familiale, incendiée en 1932 et reconstruite en 1934 à l'arrivée de la famille Périès, constitue un point stratégique pour les militaires. Les chasseurs alpins, puis les « Alpini » italiens et enfin les Allemands, font des manœuvres autour de la propriété. Il arrive que les jeunes blessés viennent se faire soigner par Colette ou Louise. Elles tirent vite avantage de la situation, les soldats allemands ne pouvant soupçonner cette famille si serviable.
La maison devient le centre névralgique de l'Armée Secrète et, parmi les figures les plus connues de la Résistance, accueille la famille de Xavier de Gaulle, frère de Charles de Gaulle, ou encore Tom Morel, la veille de son départ pour le maquis des Glières. Dans le jardin, un petit pavillon coquettement aménagé pour des réceptions amicales sert à camoufler des armes.
Outre la maison de Provins, la famille Périès possède un appartement au 28 rue Sommeiller. Il tient lieu de permanence pour la coordination du travail. Plusieurs chefs de la Résistance s'y réunissent fréquemment.
En mai 1945, les prisonniers sont de retour de captivité. Louise retrouve son fiancé et se marie. Pour Colette, l'aventure continue. Elle est affectée comme assistante sociale au 27e BCA stationné au Tyrol. Elle rentre à Annecy en septembre 1946 puis rejoint Paris pour obtenir son diplôme d'État d'assistante sociale. De retour, elle est employée au dispensaire d'Hygiène mentale à Annecy (ex-« Sauvegarde de l'Enfance »).
Un salon d'honneur de la préfecture de la Haute-Savoie, inauguré le 5 mai 2013, porte le nom des sœurs Colette et Louise Périès. Cette dernière décède en 1999. Elle est enterrée derrière la chapelle de Provins avec son mari Paul Idier. Le 13 septembre 2008, Colette reçoit la médaille de chevalier de la Légion d'honneur des mains de Marie-Germaine Morel. Elle s'éteint à l'âge de 95 ans, le 26 mai 2016.
Colette participe au sauvetage du pilote du bombardier Halifax
Dans la nuit du 14 au 15 août 1943, le bombardier Halifax « O comme orange »(3) de la Royal Air Force s'écrase au Pont-de-Tasset à Meythet car l'un de ses moteurs a pris feu. Franck Griffiths, son pilote, ayant vainement tenté d'amerrir sur le lac, l'avion se crashe sur deux maisons, causant la mort de cinq civils et de six des sept membres d'équipage.
Ejecté de l'avion en feu, le « squadron leader » Griffiths a la chance d'être sauvé par deux résistants meythésans et emmené chez des amis sûrs. Blessé, il est soigné par le docteur Raisin.
Colette Périès reçoit une mission de « Monsieur Faure », en réalité le commandant Jean Vallette d'Osia. Il s'agit de jouer la fiancée du pilote rescapé afin de le faire passer en Suisse plus facilement. Mission réussie au nez et à la barbe des douaniers.
Les résistantes au cœur du service public
Dans toute la France occupée, les fonctionnaires des différents services publics doivent appliquer les nouvelles lois et décrets édictés par le chef du gouvernement Philippe Pétain et le vice-président du conseil Pierre Laval. Toutefois, nombreux sont les employés à « désobéir » et à contourner ces nouvelles règles qu'ils jugent discriminantes et contraires à leurs valeurs morales et républicaines.
En préfecture avec Jeanne Maurier Brousse, Louise Gambillon, Adélaïde Brunier...
Dans les bureaux de la préfecture d'Annecy, en zone libre jusqu'en novembre 1942, les réfugiés affluent. Seuls ou en famille, jeunes et moins jeunes cherchent une solution pour échapper à la mort. Plusieurs chefs de service sont engagés dans la Résistance, tel Pierre Lamy, inspecteur du Travail et chef de l'Armée Secrète[A] pour l'arrondissement d'Annecy. C'est là aussi qu'interviennent notamment Jeanne Maurier Brousse, Louise Gambillon, Adélaïde Brunier et Christiane Bruyère. Secrétaires, elles ont accès aux tampons officiels et peuvent ainsi falsifier les documents d'identité et les laissez-passer. Liées aux réseaux de Résistance, elles mettent en relation les réfugiés avec les filières clandestines pour les secourir et leur faire passer la frontière.
Lorsque la guerre éclate, Jeanne Brousse, née Maurier, habite chez ses parents au 23 boulevard Taine. À 18 ans, elle est stagiaire à la préfecture de la Haute-Savoie au service des réfugiés. Tous les jours, la jeune « Jeannette » découvre les nombreuses difficultés de ces populations d'émigrés juifs ou d'Alsaciens-Lorrains refusant l'enrôlement dans l'armée allemande. À partir de novembre 1942, les troupes allemandes occupent la zone Sud, les lois antisémites édictées par Vichy deviennent de plus en plus restrictives. L'étau se resserre notamment pour les juifs, même si l'occupation italienne de notre département laissait un peu plus de latitude pour apporter une aide aux réfugiés.
Au printemps 1943, Jeanne Brousse est contactée par Geneviève de Gaulle pour émettre des faux papiers. Mais cette dernière est arrêtée en juillet, puis déportée à Ravensbrück en février 1944. Jeanne Brousse aide également Xavier de Gaulle et sa famille à passer en Suisse. Par ailleurs, elle s'implique dans le passage des juifs d'Annecy vers les paroisses frontalières, avec le concours de l'abbé Camille Folliet, du pasteur Paul Chapal et de sa femme Odette.
En septembre 1943, à la demande insistante de madame Aron, de confession juive et directrice d'un théâtre parisien, elle établit des faux papiers en ajoutant un « C » devant son nom de famille pour le franciser. Cette nouvelle madame « Caron » est accompagnée des trois petites filles du rabbin Schilli, aumônier dans les camps du Sud de la France et engagé dans le passage des juifs en Suisse ou en Espagne. Jeanne les emmène chez ses grands-parents vers Mieussy. Elles restent cachées jusqu'à la fin de la guerre au bout du lac d'Annecy, au Petit Chevilly.
À partir de février 1943, elle se consacre à l'organisation des filières clandestines pour exfiltrer de jeunes réfractaires du STO[I] vers les différents maquis de la région. En 1975, Jeanne Brousse est récompensée de la médaille des Justes parmi les Nations. Elle se rend au mémorial de Yad Vashem pour planter son arbre de la Liberté et consacre sa vie à entretenir le devoir de mémoire en témoignant auprès des jeunes. Elle décède à Annecy, le 19 octobre 2017, à l'âge de 96 ans.
Louise Gambillon, sa collègue, dont le nom de code dans la Résistance est « Dico », seconde Pierre Lamy, dit « Larousse ». Sa supérieure hiérarchique, Adélaïde Brunier, et Christiane Bruyère, employée de bureau, sont en lien direct avec les résistants de l'Armée Secrète et des Francs-Tireurs Partisans (FTP)[E]. Elles participent à la mise en place du réseau Noyautage des Administrations Publiques (NAP). Le NAP devait permettre de détecter les sympathisants au sein des différents services publics (préfectures, police, ravitaillement, électricité, PTT, SNCF...) afin qu'ils œuvrent pour le renseignement de la France Libre et pour la sécurité de la Résistance, de la fourniture de faux papiers à la préparation de l'insurrection et de la prise de pouvoir administrative, en passant par les sabotages.
D'autres femmes de l'ombre travaillent aussi avec la Résistance annécienne au sein d'associations d'aide sociale, comme Madeleine Hérisson, avocate, Thérèse Favre, assistante sociale, ou encore Georgette Caillat qui dirige une maternité et donne des faux noms aux nouveau-nés d'origine juive. Celle-ci mettra en sécurité une jeune femme enceinte en franchissant les barrages de l'armée allemande avec son ambulance.
Adélaïde Brunier intervient avec la complicité de son chef de bureau à la Préfecture, René Terpend. Elle est arrêtée le 13 mars 1944 par la Milice française. Elle ignore que son mari Émile, résistant également et chef du parc automobile des Ponts et Chaussées de la Haute-Savoie, est emprisonné ce même jour. Adélaïde est parquée sur le bateau Le France, ancré dans le port d'Albigny, puis enfermée dans un cachot du Palais de Île en compagnie d'autres patriotes. Émile est interné à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) tandis qu'Adélaïde est assignée à résidence à Marvejols (Lozère). Elle réussit à s'échapper et à revenir à Annecy. Grâce à un document falsifié par René Terpend, Émile est libéré. Le couple finira sa carrière dans l'administration annécienne.
La résistance impulsée par la foi, le civisme, le militantisme...
Renée Coulin, de la foi à la résistance
Renée Pauline Perrenod naît le 26 juillet 1897. Elle est institutrice quand elle épouse Paul Coulin, ingénieur des Arts et Métiers. Tous les deux sont protestants et genevois. Faute de trouver un travail en Suisse, le couple s'installe à Annecy où Paul entre dans une grande entreprise du bâtiment. Il obtient un diplôme de la Société française des architectes. La famille est naturalisée française en 1934. Leurs deux fils ont 11 et 15 ans en 1942.
Le 22 septembre de cette même année, le Conseil national de l'Église réformée de France lance un appel à tous les fidèles afin qu'ils s'engagent « contre les mesures qui ont frappé les israélites réfugiés sur notre sol ». Relayé par le pasteur Paul Chapal lors du culte, ce message est décisif pour Renée Coulin, elle se mobilise immédiatement « contre la détresse de ceux qui souffrent ».
Renée parlant couramment l'allemand, le pasteur Chapal lui demande de soutenir les hommes placés, à la demande du régime de Vichy, dans le Groupement de travailleurs étrangers (GTE)[F], au hameau des Puisots dans la montagne du Semnoz. Par un sentier, on peut facilement y accéder depuis le chalet que le couple Coulin possède au hameau des Espagnoux. Ce lieu idéalement situé permet à Renée d'aider et de secourir Charles Groll, Jean Kohlmann, ou encore Hugo Schmidt. Cet Allemand anti-nazi, maquisard aux Glières, est fusillé sur décision de la Cour martiale de l'État français qui siège à la maison d'arrêt d'Annecy, le 4 mai 1944. Il est inhumé à la Nécropole nationale des Glières.
Le pasteur Chapal résidant au presbytère, 14 rue de la Poste, et la famille Coulin au 4, les liaisons sont faciles et rapides pour les juifs qui s'y réfugient. Parmi eux, se trouve Julien Helfgott, condamné à mort. Celui-ci réussit à s'évader de prison avec l'aide de résistants. Il fonde l'association des Glières à la fin de la guerre.
Renée fait partie d'un réseau de la Résistance, dont elle apprendra plus tard qu'il s'agit du réseau « Goélette ». Au-delà de ses fonctions de boîte aux lettres, elle héberge de nombreuses personnes dans une chambre de bonne au-dessus de leur appartement, leur donnant pour consigne de laisser les volets fermés afin de ne pas risquer d'être aperçus par les agents de la Gestapo siégeant tout près à l'hôtel Carlton. Parmi elles, citons Jacques Emeriaud, Jacques Guggenheim, Georges Malamut, recherchés par la police et/ou la Gestapo, ou encore Jean Massendès, cadre des Mouvements Unis de la Résistance (MUR)[H]. Ce dernier témoigne : « Elle [Renée] a accueilli... pour des réunions clandestines, le chef départemental des MUR, Ostier et des membres du Comité départemental de Libération (CDL) ».
À partir de février 1943, l'instauration du STO[I] oblige de nombreux jeunes réfractaires à trouver un refuge. Ce sera le cas de Jean Schiffmaker pour qui « Madame Coulin, grâce à ses contacts, [lui] obtient de fausses pièces d'identité et organise [son] passage vers la Suisse ». D'autres seront dirigés vers l'aumônerie de Lunel.
Lors de la réception officielle du général de Gaulle à Annecy, le 4 novembre 1944, Renée Coulin fait partie des invités. Ce sera son plus beau souvenir, outre les nombreuses lettres échangées longtemps encore après la fin des hostilités avec ses « fils de guerre ». Elle aura au total sauvé la vie de dizaines de personnes traquées. Elle s'éteint en 1985, âgée de 88 ans.
Odette Chapal
Odette Bruneto est née le 29 juillet 1898 à Nîmes. Elle épouse Paul Chapal, pasteur, le 6 mai 1925. Ils s'installent à Annecy en 1934 et y resteront jusqu'en 1954.
Sous l'Occupation, ils transforment le presbytère du temple, au 14 rue de la Poste, en asile pour les réfugiés juifs et les résistants français et étrangers. Le couple étant membre du Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE)[B], leur habitation devient un relais entre la France et la Suisse, véritable point de passage pour les filières clandestines protestantes venant des Cévennes, du Vivarais ou de Chambon-sur-Lignon. Par la suite, elles empruntent soit l'itinéraire par la haute-montagne (Megève, col du Vieux), soit celui par la plaine en direction de Saint-Julien-en-Genevois, Bossey, Gaillard et Ville-la-Grand.
Le couple Chapal travaille en lien étroit avec Pierre Lamy, inspecteur du Travail à la préfecture et l'abbé Camille Folliet, à la Maison du peuple, lesquels viennent en aide aux réfugiés et aux jeunes réfractaires au STO[I]. Située passage de la Cathédrale, la Maison du peuple est le siège de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC)[G], de la Jeunesse agricole chrétienne (JAC)[G] et du Secours catholique.
Claude Spire, une réfugiée qui vécut à Annecy d'août 1940 à 1945, camarade de lycée et très bonne amie de Jeannie, l'aînée des cinq enfants Chapal, évoque après la guerre la façon dont Odette parvient à offrir un soupçon de liberté aux enfants cachés dans le grenier ou dans la cave du presbytère. Elle raconte : « Odette crée pour eux un corridor externe. Tendant des cordes à linge pour délimiter un passage, elle y suspend draps et couvertures, maintenus au sol par de grosses pierres, de façon à dissimuler même les pieds des enfants ». La maison est ravitaillée chaque jour en nourriture grâce à des « amis ». Jeannie, résistante elle aussi, participe activement aux opérations de secours menées par ses parents qui accueillent et cachent également des réfractaires.
Après la guerre, seul Paul Chapal reçoit la Légion d'honneur et la médaille de la Résistance. Par modestie, Paul et Odette refusent celle des Justes parmi les Nations considérant n'avoir fait que leur devoir pendant l'Occupation.
En janvier 1975, Paul succombe à une banale grippe à 76 ans. Odette, quant à elle, décède le 22 novembre 1982 à Annecy.
Adèle Barrucand
Adèle Feschet voit le jour à Fréjus en 1896. En 1919, elle épouse un Annécien, Georges Barrucand. En 1926, ils ouvrent une manufacture de couronnes mortuaires en perles au numéro 7 de la rue Sommeiller.
Au début du conflit, Adèle est adhérente au Progrès Social Français (PSF) et collaboratrice bénévole aux Artisans du devoir patriotique, de 1940 à l'automne 1943. Le président-fondateur du PSF, François de la Rocque, devient président des ADP en 1940. La délégation des ADP de la Haute-Savoie relève de la section de la zone non occupée dont le siège est à Royat (Puy-de-Dôme). Elle est présidée par Léon Lalanne, père de l'agent de liaison Élisabeth Lalanne. Les bureaux de l'association sont situés au 18 rue Sainte-Claire à Annecy.
Le 21 juillet 1941, les ADP, avec le soutien du Secours National, ouvrent un restaurant d'entraide rue du Collège-Chappuisien. Adèle Barrucand en est la responsable. Destiné aux personnes aux revenus modestes et aux réfugiés, le repas coûte seulement 6 francs. Du fait des conditions de vie de plus en plus difficiles, en novembre 1942, un deuxième restaurant ouvre rue Royale, derrière la pharmacie Puthod. Celui-ci est réservé à l'accueil des jeunes femmes célibataires aux modestes revenus financiers.
À l'image de ces ouvertures d'établissements, Adèle Barrucand participe à l'implantation d'autres restaurants, ainsi que de centres de distribution d'aide alimentaire dans les principales villes de Haute-Savoie. Elle supervise d'autres actions telles que les visites auprès des familles de prisonniers, l'organisation de vestiaires dans lesquels on collecte, trie et répare des vêtements destinés aux nécessiteux. Ces locaux servent également de lieux de passage pour les réfractaires du STO[I]. Ces activités lancent véritablement Adèle dans la Résistance.
Une dénonciation de ces pratiques est faite à la police de Vichy. Une employée, s'étant vu refuser une augmentation de salaire par des « Gaullistes du Secours national d'Annecy », écrit au ministre du Travail, René Belin, signataire de la loi du 3 octobre 1940 sur le statut des juifs. Dans son courrier, elle dénonce aussi des actes antipatriotiques qui vont entraîner l'arrestation de deux jeunes hommes : François Fontaine et Elie Lévy (juif). Le chef d'accusation est une injure, « Pétain est un con », lancée par François Fontaine dans le restaurant d'entraide.
Les actes de Résistance d'Adèle Barrucand deviennent de plus en plus dangereux et elle craint pour sa vie. En 1943, elle met ce combat entre parenthèses, prétexte des problèmes de santé et cède sa fabrique de couronnes mortuaires. Elle rejoint sa fille à Saint-Junien, village proche d'Oradour-sur-Glane dans le Limousin. Le 4 janvier 1944, elle reçoit une lettre de madame Girard, une amie Annécienne qui lui écrit : « Annecy est un volcan en ce moment ».
Adèle revient à Annecy le 26 août 1944, à la demande du nouveau préfet de la Libération, Irénée Revillard. Ce fonctionnaire et ancien résistant la nomme responsable de l'accueil des prisonniers, déportés et réfugiés de retour en France. D'octobre 1944 à la fin juillet 1945, c'est à l'hôtel Terminus à Annemasse qu'Adèle accueille ces hommes souvent traumatisés par la guerre. De très nombreux témoignages de remerciements salueront la générosité et le dévouement de celle que certains surnomment « Maman Barrucand » ou même « Papa » !
En 1946, Adèle Barrucand ouvre un « home d'enfants » à Brilac en Charente, où elle s'est installée définitivement auprès de sa fille, pour venir en aide à des familles nécessiteuses. Elle y décède en mars 1979.
Les ADP, Artisans du Devoir Patriotique
Fondés en 1939 dans la continuité des Croix-de-Feu[C], l'objectif des ADP est de suppléer aux services gouvernementaux dans l'aide aux civils pendant les conflits. Comme les autres organismes, il est soutenu par les collectivités locales, par les dons privés et en partie par le gouvernement de Vichy.
Cette couverture permet aux membres d'agir en faveur de la Résistance. Mais cette dépendance financière vis-à-vis de l'État causera sa perte après-guerre, le nouveau gouvernement voyant d'un mauvais œil cette organisation financée par Vichy.
Deux aubergistes engagées en famille
Flora Saulnier
Flora Planchamp naît le 17 février 1903 dans le village d'Armoy en Chablais. Avec son époux, Jean-Marie Saulnier, l'un des fondateurs du mouvement de Résistance Combat en Haute- Savoie, ils sont propriétaires de l'Auberge du Lyonnais, rue Jean-Jacques-Rousseau.
Flora rejoint ce mouvement et devient « agent P2 », c'est-à-dire régulier et clandestin. Le couple fait de son établissement une véritable plaque tournante de la Résistance où sont stockés tracts et journaux clandestins. L'auberge fait partie des six lieux recensés pour le sauvetage d'enfants juifs dans le département.
Menacé d'arrestation, Jean-Marie quitte Annecy quelque temps. Flora gère l'auberge jusqu'au 23 décembre 1943 où elle est arrêtée par le gestapiste Gromm. Enfermée à la prison de l'hôtel Pax à Annemasse, elle est ensuite internée au fort de Montluc à Lyon en janvier 1944, puis à Romainville le 25 février 1944, avant d'être déportée le 18 mai au camp de Ravensbrück. Le transport en wagon à bétail, le manque d'eau et de nourriture, la cohue, les morts deviennent son quotidien.
Elle arrive le 23 mai et subit le protocole habituel : passage à la douche, mise en quarantaine, visite médicale, examen au bureau politique où on lui attribue une tenue et un matricule, le 35466. En tant que prisonnière politique, elle doit porter le triangle rouge.
Pendant sa détention, Flora est affectée au raccommodage de vêtements militaires. Elle y fait la connaissance de Geneviève de Gaulle. Elles travaillent dans cet atelier 12 heures en équipe de nuit ou de jour. Le quotidien est ponctué d'appels obligeant les prisonniers à rester debout, sans bouger pendant plusieurs heures. Le réveil dans les blocs est fixé à 3 h du matin, pour commencer le travail à 6 h.
Flora fait partie du convoi de femmes évacuées en Suède le 23 avril 1945 et regagne Annecy en juillet pour reprendre une « vie normale » et gérer l'auberge avec son mari.
Cette rescapée est décorée de la Croix de guerre avec palme, de la médaille de la Résistance et reçoit la Légion d'honneur en 1972. Au décès de son mari, elle retourne vivre dans son Chablais natal. Le 10 août 1994, elle s'éteint à 91 ans à Thonon-les-Bains.
Jeanne Françoise Arragain
Jeanne Françoise Clavel, née le 10 février 1897 à Veyrier-du-Lac, épouse Alexis Arragain. Le couple tient un café-restaurant au 2 rue du Pâquier, face au siège de la Kommandantur, installé au Splendid hôtel. Tout proche du théâtre et du Pâquier, où se tiennent les principales manifestations sportives et culturelles organisées par le régime de Vichy, le café-restaurant Arragain devient vite un lieu stratégique.
Jeanne et Alexis sont tous deux membres de l'Armée Secrète[A]. En juillet 1943, à la suite d'une dénonciation anonyme, l'un de leurs fils est arrêté et interné jusqu'en octobre au camp de Saint-Germain-de-Joux. Une fois libre, il prend le maquis et apporte une aide active à la Résistance.
Le 30 novembre 1943, le café-restaurant Arragain est la cible d'un attentat fomenté par des miliciens. Alexis est arrêté à son tour lors de la grande rafle du 13 mars 1944. Il réussit à s'évader de son cachot du Palais de l'Île et à regagner Talloires. Recherché par les services de police, il prend le maquis. Pour faire pression, le 17 avril 1944, la Gestapo arrête Jeanne et l'interne à la prison de Saint-François à Annecy (ancien collège Saint-François, alors rue du Maréchal-Lyautey, actuelle rue de la Gare). Le café-restaurant est ensuite pillé et saccagé. Le 1er juin 1944, Jeanne est envoyée au fort de Romainville, puis internée sept jours plus tard à la prison de la police à Neue-Bremm, à Sarrebruck en Allemagne. Son transfert au camp de concentration de Ravensbrück, sous le matricule 43227, s'opère le 23 juin. Elle y décède le 20 mars 1945.
Reconnue « Morte pour la France » le 9 août 1946 et « Morte en Déportation » le 18 janvier 1990, elle figure, sous le nom d'épouse Arragain, sur les plaques récapitulatives des « Morts pour la France » apposées dans le hall de l'hôtel de ville d'Annecy, ainsi que sur le monument aux morts de Menthon-Saint-Bernard (lieu d'origine de la famille Arragain). Son fils Roger Arragain précise que sa mère a été décorée à titre posthume de la Croix de guerre avec étoile de vermeil, de la médaille militaire et celle de la Résistance.
Le sort des femmes arrêtées par la milice ou la Gestapo
Emprisonnement et déportation
À Annecy, les femmes arrêtées soit par la Milice, soit par la Gestapo, sont considérées comme de véritables terroristes. Elles sont conduites à la prison de l'école Saint-François [à Annecy] ou à l'hôtel Pax à Annemasse, lieux réquisitionnés par les Allemands. Puis elles quittent la Haute-Savoie pour être emprisonnées au fort de Montluc à Lyon. Convoyées ensuite au camp de Romainville, gare de triage avant la déportation, puis dans celui de Ravensbrück, elles sont déclarées « prisonnières politiques ». Ce sont les cas de Flora Saulnier et de Jeanne Arragain.
Ravensbrück, « Pont aux corbeaux »
Situé au nord de Berlin, dans une région surnommée « La Sibérie du Mecklembourg », ce camp de concentration est uniquement destiné aux femmes arrêtées dans toute l'Europe notamment pour raisons politiques. Les faits de Résistance en font partie. Les détenues doivent y porter le triangle rouge.
Ravensbrück n'a rien à envier aux camps de concentration masculins en termes de barbarie. Travail forcé et bastonnades à mort sont le lot quotidien, auxquels s'ajoutent des « spécificités féminines » comme les expériences de stérilisation forcée et le massacre immédiat des nouveau-nés. Le taux de mortalité atteint des records avec des épidémies de typhus et de dysenterie, aggravées par le manque d'hygiène, la dénutrition, la promiscuité et le manque de sommeil. En janvier 1945, Ravensbrück renferme plus de 45'000 prisonnières et 5'000 détenus. Début mars, les SS entament « l'évacuation » ; 5'600 femmes et 2'100 hommes sont déplacés vers Mauthausen et Bergen-Belsen. En avril, « la marche de la mort » commence pour 20'000 prisonnières, finalement secourues par les troupes soviétiques. Le camp de Ravensbrück est définitivement libéré le 1er mai 1945.
De 1939 à 1945, plus de 130'000 femmes furent déportées à Ravensbrück, entre 20'000 et 30'000 d'entre elles y périrent.
En guise de conclusion
Une reconnaissance très confidentielle
Très peu de résistantes sont officiellement reconnues au même titre que les hommes à la Libération. Ainsi parmi les 1'059 « Compagnons de la Libération », seulement six femmes sont nommées ; elles sont moins nombreuses que leurs homologues masculins à demander de légaliser et faire valoir leurs droits afin d'obtenir un titre honorifique officiel.
L'après-guerre met en avant ses héros, les hommes ayant pris les armes pour combattre. Les résistantes, quant à elles, restent discrètes, moins enclines à revendiquer leurs actes qu'elles sous-estiment.
Leur invisibilisation ramène aussi au statut des femmes de l'époque. Il n'était pas question de se mettre en avant.
Vladimir Trouplin, conservateur au musée de l'Ordre de la Libération
Les profils et les motivations de ces femmes engagées dans la Résistance sont très divers. Cependant la traversée de cette sombre période de l'Occupation a été pour beaucoup l'occasion de s'affirmer face aux hommes et d'agir avant tout par sens du devoir et humanisme.
Dans le département de la Haute-Savoie, libéré par les seules forces de la Résistance unies, tous les acteurs principaux des différentes filières se connaissent et œuvrent de concert pour la quête de la Liberté, quelles que soient leurs opinions politiques (conservateurs, socialistes, communistes) et leurs confessions religieuses.
La France, la Liberté avaient une réelle valeur et méritaient de risquer notre vie.
Colette Périès
Recherches & rédaction : Service Patrimoine - Ville d'Art et d'Histoire, Céline Barbier-Kezel, avec la complicité d'Isabelle Échard et d'Aude Thierrin
Remerciements à : Catherine Aussedat-Pascal et Olivier Pascal, Jean-Jacques et François Coulin, pour leurs témoignages, prêts et autorisations,
Hélène Maurin, directrice des Archives départementales de la Haute-Savoie,
Lucie Pacheco, service Mémoire et Citoyenneté, Conseil départemental de la Haute-Savoie,
Yoann Guillet, Marie-Claude Rayssac, Mireille Servettaz, Christine Veyrat de Lachenal des Archives municipales d'Annecy,
Michel Amoudry, président des Amis du Vieil Annecy,
Cindy Biesse, historienne, membre du Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA), chercheure associée et enseignante en classe préparatoire.
Contributions : Cédric Cuz (transcription, adaptation pour le web)
Publication initiale : 02 janvier 2025
Mises à jour : 05 janvier 2025 (corrections de mise en page et d'une typo)
Lexique :
- [A] [A] [A] [A] Armée Secrète (AS) : fusion des éléments paramilitaires des trois grands mouvements de zone sud - Combat, Libération-Sud et Franc-Tireur. Favorisée par Jean Moulin, elle est entérinée à Londres en octobre 1942, confiée par le général de Gaulle au général Delestraint en novembre et étendue à la zone nord au printemps suivant.
- [B] Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) : fondé en 1939 au sein des mouvements de jeunesse protestants. De sa mission initiale auprès des évacués de l'Alsace-Lorraine fuyant l'avancée nazie, la Cimade a conservé son nom, mais aussi un lien avec le monde protestant et surtout une fidélité aux valeurs et aux engagements de ses fondateurs. L'association secourt aujourd'hui particulièrement les réfugiés, les immigrés, les personnes démunies de ressources et menant des actions en faveur des droits de l'homme.
- [C] Croix-de-Feu (les -) : association créée en 1927, elle est à l'origine un mouvement d'anciens combattants français de la Grande Guerre qui se transforme ensuite en organisation politique nationaliste, voire fasciste selon certains historiens. Elle est dirigée à partir de 1931 par le colonel François de La Rocque (1885-1946). L'association est dissoute en 1936 par le gouvernement du Front populaire, puis remplacée par le Parti Social Français (PSF).
- Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) : résultat de la fusion, au 1er février 1944, des principaux groupements militaires de la résistance intérieure française qui s'étaient constitués de 1940 à 1944 dans la France occupée : l'Armée Secrète, l'Organisation de Résistance de l'Armée, les Francs-Tireurs et Partisans, etc.
- [E] Francs-Tireurs et Partisans (FTP) : mouvement de résistance intérieure française créé à la fin de 1941 et officiellement fondé en 1942 par la direction du Parti communiste français.
- [F] Groupements de Travailleurs Étrangers (GTE) : créés par le régime de Vichy, loi du 27 septembre 1940 sur « les étrangers en surnombre dans l'économie nationale ». Cette loi vise à exclure les étrangers des emplois et crée des camps d'internement où les étrangers sont obligés de travailler.
- [G] [G] [G] Jeunesse agricole chrétienne (JAC), Jeunesse indépendante chrétienne (JIC), Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) : fin du 19e et début du 20e siècle, l'Association catholique de la jeunesse française (ACJF) regroupe cinq mouvements spécialisés - la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), la Jeunesse agricole catholique (JAC), la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), la Jeunesse maritime chrétienne (JMC) et la Jeunesse indépendante chrétienne (JIC). Ses positions évoluent pendant l'entre-deux-guerres vers celles du catholicisme social et de la démocratie chrétienne. Elle a fourni de nombreux cadres et hommes politiques aux partis d'inspiration démocrate-chrétienne.
- [H] Mouvements Unis de la Résistance (MUR) : organisation française de résistance à l'occupation allemande et au régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale, instaurée le 26 janvier 1943 par la fusion des trois grands mouvements non communistes de zone sud (Combat, Franc-Tireur et Libération-Sud), et présidée par Jean Moulin, délégué du général de Gaulle en zone sud.
- [I] [I] [I] [I] [I] Service du Travail Obligatoire (STO) : mis en place en février 1943 par le régime de Vichy, son objectif est de satisfaire aux exigences du Troisième Reich en lui fournissant des travailleurs. L'Allemagne a en effet besoin de main-d'œuvre étrangère pour faire fonctionner son économie alors que la majorité des jeunes Allemands se battent en dehors du pays. Le STO fonctionne sur la base d'un recrutement forcé parmi certaines tranches d'âges. Ainsi, le régime de Vichy envoie plusieurs centaines de milliers de jeunes Français travailler en Allemagne de février 1943 à juillet 1944.
Notes :
- (1) À la suite du débarquement des Alliés sur les côtes nord-africaines en 1942, le territoire d'Annecy, entre autres, est placé sous occupation italienne, puis allemande de septembre 1943 à août 1944.
- (2) Lieutenant Théodose Morel, dit « Tom » ou « Tho », premier commandant devenu le héros du maquis des Glières, est tué à bout portant par le commandant des Groupes Mobiles de Réserve (GMR) le 9 mars 1944 à l'hôtel Le France à Entremont. Le capitaine Maurice Anjot, second commandant des maquisards du Plateau des Glières, est abattu par les Allemands à Nâves le 27 mars 1944. Jacques Lalande, officier du 27e BCA 27e bca, est torturé et fusillé à Alex, le 28 avril 1944.
- (3) L'équipage avait pour mission de parachuter des armes, des vêtements, de l'argent et de la nourriture pour les résistants haut-savoyards.
Sources bibliographiques :
- Antoine, Claude. Crash à Meythet, Société A'Imp. Cran-Gevrier, 1994,
- Berthelet, Jean-Claude. Les Fonderies et forges de Crans, Société des Amis du Vieil Annecy, #55, 2021,
- Biesse, Cindy. Sauveteuses, les femmes et le sauvetage des Juifs en région Rhône-Alpes, Éditions Ampelos, 2023,
- Collins Weitz, Margaret. Les Combattantes de l'ombre, histoire des femmes dans la Résistance, Albin Michel, 1997,
- Germain, Michel et Moos, Robert. Les Sauveteurs de l'ombre, La Fontaine de Siloé, 2010,
- Germain, Michel. Des Femmes dans la guerre, La Fontaine de Siloé, 2018,
- Peyraud, Christine. Adèle Barrucand, une savoyarde dans l'action sociale 1939-1945, La Fontaine de Siloé, 2017,
- Valette d'Osia, Jean. 42 ans de vie militaire, 1916-1958, Éditions lyonnaises d'art et d'histoire, 1988.
Témoignages :
- Coulin, Jean-Jacques et François. À la mémoire de Renée Coulin, résistante, collection privée, 2021,
- Périès, Colette et Louise. Mémoires d'une famille de Résistants, monographie privée.
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