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La Manufacture, une histoire industrielle

Cet ensemble immobilier contemporain s'inscrit dans une proximité immédiate avec le centre historique. Construit sur l'emplacement d'une Manufacture de coton qui ferme ses portes en 1954, il est mis en service en 1978.

La Manufacture de coton

Une manufacture est créée en 1804 par Jean-Pierre Duport, un industriel lyonnais d'origine savoyarde. Il l'installe dans l'ancien couvent des Clarisses (sœurs de Sainte-Claire), vendu comme bien national, alors que la Savoie est française [ndr: occupée militairement par les révolutionnaires français]. La Manufacture est la plus importante entreprise de Savoie. Elle emploie jusqu'à 1'800 ouvriers et devient la pièces maîtresse d'un « petit empire » industriel présent jusque dans le Piémont. Durant la période sarde ([ndr: restauration Sarde] 1815-1860) et française, la Manufacture connaît des fortunes diverses.

Jean-Gottfried Laeuffer (1793-1874), originaire de Carouge, en prend la direction en 1838. La famille Laeuffer veille alors sur sa destinée.


Présence de la Manufacture

La Manufacture de coton a utilisé largement la force motrice du Thiou, l'exutoire naturel des eaux du lac. Les canaux de dérivation des prises d'eau restent parfaitement visibles et témoignent de l'importance de l'entreprise.


Appendice 1 : Ancienne manufacture de coton

Au cœur du Vieil Annecy, le quartier de la manufacture rappelle l'existence d'une importante manufacture de coton qui était le centre d'un important ensemble textile fondé au début du 19e siècle par un industriel savoyard, Jean-Pierre Duport.

À la fin du 18e siècle, le Thiou favorise la naissance de l'industrie

Une manufacture de coton s'installe dès 1804, dans l'ancien couvent des Clarisses, déjà irriguée par un conduit d'eau.

Sur l'autre rive, le couvent des Cordeliers possède un moulin dont le bief est toujours visible. Pour contrôler le débit du Thiou, la Manufacture s'approprie l'unique chute d'eau présente à ce niveau, ainsi que les artifices de l'île Saint-Joseph.


L'histoire industrielle

La réussite de la Manufacture est immédiate. Une roue unique, installée en 1816 dans son canal de dérivation, fournit l'énergie. En 1822, elle emploie 1'620 ouvriers.

Après le rattachement de la Savoie à la France en 1860, l'activité de la Manufacture périclite, jusqu'à sa fermeture en 1955. Les bâtiments sont démolis en 1973 pour laisser place à un nouveau quartier moderne, en harmonie avec le centre ancien.

illustration 1) La Manufacture et son lavoir accessible par une passerelle (à droite), les boucheries (future salle Pierre-Lamy, au centre), le moulin et le lavoir des Cordeliers (à gauche).
cliché © Musées d'Annecy

Appendice 2 : La Manufacture d'Annecy, un empire industriel

Les immeubles colorés sur la rive gauche du Thiou dans les années 1970 marque l'emplacement d'une ancienne filature de coton. Aujourd'hui les bâtiments de la Manufacture ont disparu, mais le Thiou garde des traces de cette installation majeure.

Transformation d'un couvent en filature

À l'origine, le site abrite un couvent appartenant à l'ordre des Clarisses. Le couvent, devenu bien national pendant la Révolution française [ndr: occupation des Savoie par les révolutionnaires français], est acheté par le négociant lyonnais Jean-Pierre Duport en 1804.

Les machines à filer le coton sont actionnées par la force hydraulique du Thiou.

La Manufacture connaît un succès immédiat. En 1805, elle emploie déjà 450 ouvriers, majoritairement des femmes et des enfants. Les enfants sont surtout embauchés en tant que « rattacheurs ». Grâce à leur petite taille, ils passent sous les machines à filer pour rattacher les fils de coton cassés. C'est un travail très dangereux ; les machines continuent à tourner lors de ces opérations.


Prospérité et expansion

Sous la monarchie Sarde, la filature devient une Manufacture royale. Ce statut lui accorde certains privilèges et lui donne accès à un large territoire de clientèle situé des deux côtés des Alpes.

Face au succès, Duport agrandit et densifie le site de la filature. Pour mieux capter l'énergie de l'eau, un canal de dérivation est creusé sur la rive gauche, créant ainsi la petite île après le pont de la rue de la République. Il diversifie son activité et s'implante sur d'autres terrains à Annecy. Des ateliers de tissage, de teinture, de blanchiment et d'impression d'étoffes sont établis sur l'île Saint-Joseph et aux emplacements actuels de l'internat Gabriel Fauré [ndr: d'après le plan d'Annecy circa 1885-1890, c'est plutôt sur la rive d'en face, aujourd'hui école Vaugelas] et du Centre culturel Bonlieu.

illustration 2) Manufacture d'Annecy et Pont, les différents sites et bâtiments
plan général d'Annecy - circa 1885-1890 (extrait) ; auteur inconnu, reproduction Pascal Lemaître © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel, © Archives municipales d'Annecy, immatriculation IVR82 20147401504NUCA
tracé Cédric Cuz

Difficulté et décroissance

La Manufacture d'Annecy rencontre des difficultés financières après le rattachement de la Savoie à la France en 1860. Elle perd son marché du Piémont et doit faire face à la concurrence des industries textiles françaises et étrangères. Elle ferme temporairement ses sites de production en 1864 et licencie environ 2'000 ouvriers, soit 20% de la population annécienne.

La société est redressée par les nouveaux dirigeants de la famille Laeuffer, mais elle ne retrouve jamais la prospérité de l'époque sarde. La manufacture ferme ses portes définitivement en 1955.

illustration 3) La Manufacture vue du pont Saint-Joseph, gravue collection G. Grandchamp
cliché © fonds de la photothèque des musées d'Annecy, numéro d'inventaire Série O 31
illustration 4) La Manufacture, sous la partie voûtée, le canal de fuite de la turbine
cliché B. Ruffet 1967 © fonds de la photothèque des musées d'Annecy, numéro d'inventaire AB67
illustration 5) Manufacture d'Annecy et Pont, échantillon de tissu imprimé
cliché D. Vidalie © collection des Musées d'Annecy, numéro d'inventaire 4106
illustration 6) Manufacture d'Annecy et Pont, échantillons de teintures, apprêts et composés, dons de monsieur Laeuffer
cliché D. Vidalie © collection des Musées d'Annecy, numéro d'inventaire 4107

Appendice 3 : Annecy, il n'y a pas si longtemps, la Manufacture de coton faisait vivre un Annécien sur cinq

Définitivement fermée en 1955, la Manufacture a filé et tissé du coton pendant près de 150 ans au cœur de la vieille ville. Découvrez l'histoire de ce monument de l'industrie annécienne.

Presque 150 ans d'activité quasi ininterrompue, un Annécien sur cinq y travaillait à son apogée : la Manufacture de coton d'Annecy représente une part énorme de l'histoire industrielle de la ville. Le Thiou y a joué un rôle essentiel : comme pour les forges de Cran, l'énergie hydraulique qu'il fournit est très propice à l'industrie.

Lors du rattachement de la Savoie à la France entre 1792 et 1815 [ndr: occupation militaire par les révolutionnaires français], le départ [ndr: l'expropriation] de congrégations religieuses met sur le marché de vastes bâtiments à bas prix. Notamment l'ancien couvent des Clarisses, justement placé au bord du Thiou. En 1804, Jean-Pierre Duport, un Savoyard qui a créé à Lyon une société englobant toutes les activités relatives au coton, achète l'endroit pour y installer ses ateliers. Après avoir acquis et loué d'autres bâtiments aux alentours pour agrandir encore la surface, il les transforme en fabrique de tissage pour commencer le travail en 1808.


L'apogée au XIXe siècle

En 1840-1841, 20 % des habitants d'Annecy travaillent pour la manufacture. Même si l'activité s'est étendue ailleurs, comme à Cran-Gevrier ou Bonlieu, la filature Sainte-Claire reste le cœur de la société : l'ancien couvent est aménagé en différents ateliers pour produire le fil destiné à toutes les annexes, et embauche au moins 318 employés en 1854. Parmi eux, on trouve des enfants, qui peuvent être embauchés dès l'âge de 7 ans pour se faufiler sous les machines, par exemple afin de rattacher un fil cassé, une opération très dangereuse. Si la loi qui régule le travail des enfants est votée en France en 1841, la Savoie ne rejoint définitivement le territoire qu'en 1860 et la loi est très peu appliquée jusqu'à la fin du XIXe siècle dans tout le département.

Durant le XIXe siècle, afin de se placer face à la concurrence, le matériel est régulièrement amélioré. À partir de 1865, les tissus sont vendus teints ou blanchis, pour dégager un meilleur bénéfice. La production annuelle atteint une moyenne entre 200 et 300'000 kg de filés. En 1905, la machine à vapeur qui menaçait de tomber hors-service à tout moment est remplacée par du matériel électrique. Vers 1925, les techniques de travail ont beaucoup évolué, mais comme les machines issues des différentes époques sont restées sur place, les conditions de travail demeurent similaires à celles du XIXe siècle : la température dépasse les 30 degrés et l'humidité colle la poussière de coton sur les ouvriers.


La Seconde Guerre mondiale

Le déclin de la Manufacture commence entre 1939 et 1945, avec des difficultés d'approvisionnement et un manque criant de personnel. En 1941-1942, la production est dix fois inférieure à la normale. Sur les 516 métiers à tisser, seuls 370 sont encore en activité. La production ne parvient jamais à remonter et en 1955, une fermeture provisoire est annoncée. Elle est en réalité définitive.

Par la suite, les locaux sont loués à divers commerçants et la chute d'eau fournit de l'électricité à EDF. En 1960, une succursale des Galeries Barbès y est inaugurée, un grand magasin où sont exposées des pièces d'ameublement. Beaucoup d'investisseurs manifestent leur intérêt pour cette surface immense, jusqu'au rachat par la municipalité en 1971. La Ville reloge les derniers occupants des locaux d'habitation et transforme les immeubles occupés par les ouvriers en logements sociaux.

En 1972, un cabinet d'architecture est choisi pour intégrer les bâtiments modernes au style des vieux quartiers. Le projet comporte 62 logements, un hôtel, un cinéma et des salles de réunion pour les associations locales. La démolition s'achève en 1973, il ne reste plus rien des anciens bâtiments de la manufacture de coton. Ensuite, le projet s'inscrit dans l'opération Sainte-Claire entamée en 1977 et un permis de construire est délivré en 1978, année durant laquelle la Croix-Rouge par exemple s'installe dans les locaux qu'elle occupe toujours aujourd'hui.

Rédaction originelle : Lucile Boutillier, L'Essor Savoyard du 25 décembre 2024, groupe de presse Messager

illustration 7) La Manufacture abandonnée en 1973, avant sa démolition. À noter que les bâtiments des bains-douches ont déjà été rasés...
cliché © Archives municipales d'Annecy
illustration 8) La démolition en 1973
cliché © Archives municipales d'Annecy
illustration 9) Le terrain transformé en parking dans la vieille ville
cliché © Archives municipales d'Annecy
illustration 10) Le quai des Clarisses après la reconstruction
cliché © Archives municipales d'Annecy

Appendice 4 : La Manufacture [d'Annecy], première usine moderne dans les Alpes

En 1804, Jean-Pierre Duport, venu de Lyon, mais natif de Maurienne, installe une filature dans le couvent des Clarisses qui, dès 1813, emploie 1'260 personnes. Ainsi est née et s'est développée la Manufacture, une très grosse affaire, la première usine de type moderne dans les Alpes.

La chute de l'Empire et la retour de la Savoie à la couronne de Piémont-Sardaine [sic] n'ont pas affecté la Manufacture qui se verra réserver un traitement de choix. L'affaire de Duport devient manufacture royale, défendue contre la concurrence française par une solide barrière douanière. À la veille de la mort de Jean-Pierre Duport en 1820, la Manufacture emploie 966 personnes. Ses deux fils qui reprennent l'affaire n'ont pas la compétence de leur père et une période de difficultés s'ouvre qui ne sera close que par l'entrée en scène de Jean Laeuffer, en 1828. Le succès du nouveau patron est total : dès 1829 l'entreprise emploie 1'300 personnes et en 1860 en fait travailler 1'800. Pour l'époque c'est une énorme affaire qui fait vivre une bonne partie de la population annécienne, fort médiocrement il est vrai, car le succès est fondé sur une exploitation éhontée de la main-d'œuvre.

La réunion de la Savoie à la France, en 1860, fait perdre aux usines annéciennes leurs débouchés du royaume sarde et les expose brutalement à la concurrence de l'industrie française. La Manufacture périclite et doit fermer ses portes en 1864, laissant 2'000 travailleurs sans emploi. Pourtant Laeuffer n'a pas dit son dernier mot. Il rouvre en 1866 mais n'embauche plus que 500 personnes. Broches et métiers cessent définitivement de tourner en 1955.

En 1850, Laeuffer demande d'autorisation [sic] au conseil communal de placer une machine à vapeur destinée à actionner la roue en cas de basses eaux. La cheminée du fourneau, construite en briques, mesure 33 mètres de haut et domine les toits de la vieille ville jusqu'à la démolition des bâtiments en 1973.

Rédaction originelle : (article non-signé), Le Dauphiné Libéré (non-daté, circa 1970-1980)


Sources
  • Panneau touristique « La Manufacture, une histoire industrielle », situé angle des rues Sainte-Claire et de la république, ville d'Annecy/Office de Tourisme du Lac d'Annecy,
  • Fiches touristiques >> 1 et >> 2, Office de Tourisme du Lac d'Annecy - via la plateforme Apidae Tourisme,
  • Article de >> l'Essor Savoyard, groupe de presse Messager.

permalien : //www.killeak.net/?section=17&view=2723

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mot(s) clé(s) : annecy, ville d'- haute-savoie hier et aujourd'hui histoire

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